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Odilon Pain

France, 1985
vit et travaille à Bruxelles

Le travail du peintre français Odilon Pain participe souvent d’une forme de créolisation des styles et des techniques, qui confère une dimension exotique à son travail. En l’occurrence, nous présentons une importante composition, aux textures colorées et bariolées reprenant une architecture renaissante, typique de celle que l’on associe aux scènes de l’Annonciation dans la peinture de la Renaissance italienne, et symbolique à l’époque de l’ordre nouveau que le sujet était censé annoncer. La composition architecturale est ici reprise à une Annonciation de Francesco del Cossa, dûment débarrassée de ses figures sacrées. L’examen attentif du tableau nous en révèle d’autres aspects marquants. En réalité, cette grande toile n’est que très partiellement peinte. La majorité bariolée de la composition est en effet constituée d’un assemblage mosaïqué de waxes, ces tissus imprimés et cirés si populaires en Afrique Centrale et dont l’histoire ajoute des strates signifiantes supplémentaires à leur utilisation par Odilon Pain. Les waxes tirent en effet leur origine des tissus batik que les Néerlandais découvrirent dans leurs colonies des Indes Orientales, l’actuelle Indonésie. Très vite, ils saisirent l’avantage de leur utilisation dans leur commerce triangulaire qu’ils établirent avec leurs comptoirs africains et indiens. Les Britanniques furent, pour les mêmes raisons de concurrence, les premiers à en développer une production manufacturière (d’où la dénomination ,toujours en vigueur, de ces tissus), bientôt rattrapés par les néerlandais qui dominent actuellement le marché mondial. Nous nous retrouvons confrontés à l’utilisation d’un matériau emblématique de l’histoire de la pollinisation croisée et globalisée de nos produits/matériaux culturels : une technique venant d’Extrême‑Orient, adoptée et investie par les occidentaux, que se sont ré‑appropriée les nations d’Afrique Centrale, avec un arrière‑fond d’impérialisme économique qui persiste, le tout appliqué et réinvesti sur une iconographie typiquement occidentale, symbolique d’une époque de transition et ici débarrassée de ses figures/personnages humains… Dès lors, la composition d’Odilon Pain devient une illustration implicite, efficace et circonstanciée des inévitables et incessants flux et échanges culturels que tentent de réfuter les mouvements nationalistes. Cela interpelle d’autant plus dans une époque de basculement comme la nôtre où l’humanité toute entière se voit dans l’obligation de questionner sa place et son rapport à une appréhension élargie, à la fois culturelle et naturelle, de la notion d’environnement.

English

The work of the French painter Odilon Pain often applies a form of creolization of styles and techniques, which lends it an exotic dimension. In this case, we present a large composition with colourful and motley textures incorporating Renaissance architecture, typical of that associated with the scenes of the Annunciation in Italian Renaissance painting, and symbolic at the time of the new order that the subject was supposed to announce. In this case, the architectural composition is taken from an Annunciation by Francesco del Cossa, duly stripped of its sacred figures. However, a close examination of the painting’s composition reveals other striking aspects. In reality, this large canvas is only very partially painted. The motley majority of the composition is in fact made up of a mosaic assemblage of waxes, those printed and waxed fabrics so popular in Central Africa and whose history adds additional layers of signifiers to their use by Odilon Pain. Waxes originate from the batik fabrics that the Dutch discovered in their colonies in the East Indies, now Indonesia. They soon recognized the advantage of their use in their triangular trade which they established with their African and Indian counterparts. The British were, for the same reasons of competition, the first to develop a manufacturing production (hence the name still used for these fabrics), but were soon overtaken by the Dutch who currently dominate the world market. In this case, we find ourselves confronted with the use of a material that is emblematic of the history of the cross-pollination and globalisation of our products/cultural materials: a technique coming from the Far East, adopted and commercialized by Westerners, which the nations of Central Africa have re-appropriated, with a background of economic imperialism that persists, all applied and reinvested in a typically Western iconography, symbolic of a period of transition and here stripped of its figures/human characters… An effective and detailed illustration of these inevitable cultural flows and exchanges that nationalist traditions try to refute, in a period when mankind also finds itself forced to question its place and relationship to a broader understanding of the notion of cultural and natural environment.