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Kendell Geers

Afrique du Sud, 1968
vit et travaille à Bruxelles

Kendell Geers se décrit volontiers comme un AniMystikAKtivist, et a une pratique que l’on pourrait tout aussi qualifier de sculpturale que de linguistico‑conceptuelle, induisant aussi de façon récurrente des gestes performatifs. S’appuyant sur une iconographie qui mixe avec une indifférenciation assumée de l’histoire de l’art, la pornographie, le kitsch, Kendell Geers s’exprime en utilisant des medias et matériaux de prédilection aussi variés que les néons, le verre, le scotch à chevrons, le fil barbelé, le langage. Il est important de contextualiser l’œuvre que nous présentons ici : Il s’agit à la lettre d’un billet de banque de 500 euros, dûment encadré et tamponné de l’expression f**k qui cristallise de façon récurrente dans son travail une critique iconoclaste par rapport à des valeurs normatives de notre société. L’œuvre a été produite pour Anonymously yours, une exposition de fund‑raising organisée en 2012, en faveur d’un centre d’art bruxellois, Maison Grégoire. Quelque 80 artistes avaient répondu à l’invitation à présenter une œuvre de format A4, présentée de façon anonyme dans l’espace et dans le catalogue du projet, avant d’être proposée à la vente pour le prix standard de 400 euros, dont 50% revenaient à l’artiste et 50% à l’asbl. Parmi ces artistes des personnalités très établies à l’instar d’Edith Dekyndt, Kendell Geers ou Denicolai & Provoost et des figures plus émergentes se côtoyaient et se trouvaient comme mises au même niveau, indépendamment de leurs cotes respectives. Ce n’est qu’à la fin de l’exposition qu’un signet donnait les noms des artistes repris dans le catalogue. Dans la plupart des cas, il s’agissait pour les acquéreurs d’acheter à l’aveugle, en dehors de la spéculation habituelle souvent liée à l’achat d’œuvres d’art. Dans ce contexte, la proposition de Kendell Geers s’imposait de façon radicale, par son extrême générosité, en détournant l’idée d’anonymat (car directement reconnaissable par ce tampon qui lui sert de crypto‑signature) et en mettant en acte de façon littérale dans le chef de l’artiste, un refus du profit et de la spéculation. Ce fut d’ailleurs tout naturellement la première œuvre achetée de l’exposition, par un collectionneur bruxellois auquel nous souhaitons rendre hommage. Un billet de 500 euros, à la fois enrichi et dénaturé/défonctionnalisé par l’artiste (altérés, les billets de banque perdent en théorie toute valeur), encadré par ses soins, il était vendu à 400 euros, dont 200 lui reviendraient. L’immense plus‑value potentielle du geste désacralisateur de Kendell Geers était inhibée par le protocole du projet, marquant ainsi la radicalité de son message qui nous invite à remettre en question de façon fondamentale l’arbitraire de la valeur des choses, et, en premier lieu de l’argent, et de nous en détacher. 

English

Kendell Geers readily describes himself as an AniMystikAKtivist, and has a practice that could be described as sculptural as well as linguistically-conceptual, also recurrently giving rise to performative actions. Relying on an iconography that mixes, with an assumed lack of differentiation, pornography, kitsch and art history, Kendell Geers expresses himself by using media and materials that is as varied as neon lights, glass, herringbone tape, barbed wire and language. In his work that incorporates and interweaves cultural sources as diverse as animism, alchemy, mysticism, with Afro-European traditions, Geers produces works that directly appeal to the viewer by questioning established moral norms and conventions. It is important to contextualize the work that we present here: It is literally a 500-euro banknote, duly framed and stamped with the expression f..k which repeatedly crystallizes, in his work, an iconoclastic critique of the normative values of our societies. The work was produced for Anonymously yours, a fund-raising exhibition organized in 2012, for a Brussels art centre, Maison Grégoire. Some 80 artists had responded to the invitation to present an A4-size work, presented anonymously in the space and in the project catalogue, before being offered for sale for the standard price of 400 euros, of which 50 % went to the artist and 50% to the non-profit organisation. Among these artists, highly established figures such as Edith Dekyndt, Kendell Geers or Denicolai & Provoost and more emerging figures rubbed shoulders and found themselves on equal footing, regardless of their respective status. It was only at the end of the exhibition that a bookmark disclosed the names of the artists included in the catalogue. In most cases, it was a question of blind buying, outside the usual speculation often linked to the purchase of works of art. In this context, the contribution of Kendell Geers came across as radical, by its extreme generosity, by diverting the idea of anonymity (being instantly recognizable by this stamp which serves as a crypto-signature) and by literally enacting, on the part of the artist, a refusal of profit and speculation. It was quite naturally the first work purchased from the exhibition, by a Brussels collector to whom we wish to pay tribute. A 500-euro banknote, both enriched and denatured/defunctionalized by the artist (altered banknotes, in theory, lose all value), framed by him, it was sold for 400 euros, of which 200 would come back to him. The immense potential added value of Kendell Geers’ desacralizing gesture was inhibited by the project’s protocol, thus marking the radicality of his message which invites us to fundamentally question the arbitrariness of the value of things, first and foremost money, and to detach ourselves from it.