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Serena Fineschi

Italie, 1973
vit et travaille entre Sienne et Bruxelles

La caractéristique des recherches de Serena Fineschi, c’est qu’elle travaille ses œuvres, ses matières, ses matériaux au corps, dans une confrontation très physique qui les pousse dans leurs derniers retranchements. Longtemps, son travail s’est colleté à la surface souvent plane d’une matière ‑ et au papier en particulier ‑ pour en faire ressortir le potentiel ‑ sculptural ou pictural ‑ plastique en tout cas, et expressif. Dans ce corps à corps, dans ce travail d’usure qui, en s’arrêtant juste avant le point de rupture, métamorphose et transmue le matériau, s’opère un transfert métaphorique, mais aussi direct et effectif, de l’artiste à son œuvre et vice‑versa. Longtemps aussi, et c’est l’un des paradoxes de ses œuvres, Serena Fineschi a opéré par soustractions, par usures, froissements et autres abrasements afin de conférer une vie et une spatialité sculpturales à ses pièces. C’est cette tension dialectique qui est à l’œuvre dans Morsi, une simple feuille de papier blanc qui porte l’empreinte des morsures de la bouche de l’artiste. En 2018, elle initia une série de nouvelles productions procédant par adjonction de matière, mais une matière soigneusement et lentement préparée, ou assimilée corporellement et restituée par l’artiste. C’est ce qui se passe dans Kisses from Hell, des empreintes de rouge à lèvres d’un baiser que l’artiste fait avec un orifice distinct de sa bouche, suscitant à l’instar d’un Wim Delvoye, une réflexion critique, sociale et politique implicite. Le geste créatif présidant à la plupart des créations et hommages picturaux de Fineschi (détournés de genres, courants et styles divers) assume dès lors une valeur métaphorique directe, d’une ironie criante, tout en nous amenant à reconsidérer dans son ambivalence le rôle et l’importance du débris, du déchet, de ces fragments de mémoires et d’histoires, souvent négligés ou mis de côté. Au‑delà, ce positionnement est aussi porteur d’un message de confiance et d’espoir : d’un espoir en cette capacité que nous avons à (nous) régénérer, à redonner vie à notre environnement individuel, social, esthétique, politique, en nous concentrant à nouveau sur les gestes et processus fondamentaux de digestion, d’assimilation et de restitution créatives : comme une invitation à vivre le corps, la matière, l’esprit et le temps dans une pleine conscience de leur évolution. 

English

The hallmark of Serena Fineschi’s explorations is that she intensively works her pieces, her subjects, her materials, in a very physical confrontation that pushes them to their furthest point. For a long time, her work has stuck to the often-flat surface of a material – and to paper in particular – to bring out its potential – sculptural or pictorial – in any case plastic, and expressive. In this body to body, in this work of wear and tear which, by stopping just before the breaking point, metamorphoses and transmutes the material, a metaphorical, but also direct and effective transfer takes place from the artist to her work and vice versa. For a long time too, and this is one of the paradoxes of her works, Serena Fineschi operated by a process of subtraction, by wear, crumpling and other abrasions in order to confer a sculptural life and spatiality to her pieces. It is this dialectical tension that is at play in Morsi, a simple sheet of white paper that bears the imprint of the bites of the artist’s mouth. In 2018, she initiated a series of new productions that proceeded by adding material, but material that was carefully and slowly prepared, or assimilated in the body and restored by the artist. This is what happens in Kisses from Hell, lipstick prints of a kiss the artist makes with an orifice quite distinct from her mouth, provoking, not unlike Wim Delvoye, an implicit critical, social and political reflection. The creative gesture presiding over most of Fineschi’s creations and pictorial tributes (taken from various genres, currents and styles) therefore assumes a direct metaphorical value, of glaring irony, while leading us to reconsider in its ambivalence the role and the importance of debris, of waste, of these fragments of memories and stories, often neglected or put aside. Beyond that, this positioning also carries a message of confidence and hope: of a hope in this capacity that we have to regenerate (ourselves), regenerate, to give new life to our individual, social, aesthetic, political environment, by focusing once again on the fundamental gestures and processes of digestion, assimilation and creative restitution: as an invitation to experience body, matter, spirit and time in full awareness of their evolution.