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Alexis Etienne

France, 1993
vit et travaille à Bruxelles

 Le travail d’Alexis Etienne, jeune artiste fraîchement sorti du Master en Pratiques éditoriales de l’ArBA‑EsA, s’est longtemps déployé autour d’une pratique d’écriture et de réflexion autour de non‑événements ou, plus précisément, de la dramatisation fictionnalisée de trames narratives issues du quotidien, filtrées par la voix monocorde de l’artiste.

Après avoir travaillé les codes du cinéma des origines, du cinéma à effets spéciaux, du film d’auteur voire du stand‑up, Etienne, ou son personnage de narrateur, s’inscrivent ici en creux de l’installation sonore Public Address #5, qui rejoue plutôt les codes du documentaire. Dans une véritable économie de moyens, l’installation s’articule autour d’une suite d’impressions sur papier gris ou recyclé gris en A4 dans lesquelles l’artiste a aménagé une découpe circulaire qui laisse apparaître la membrane d’enceintes encastrées dans la cimaise. Ces enceintes diffusent des extraits d’un échange entre deux amies de l’artiste, respectivement S et L, au sujet de leur projets de vie respectifs. Pour l’une, il s’agit de raconter le projet avorté de vivre en communauté mixte dans une maison selon des règles inspirées par l’écologie et le féminisme. Une communauté inspirée par des lectures politiques fortement marquées à gauche ou par les mouvements libertaires ou anarchistes. En marge même de l’échec de sa concrétisation, ce projet lui a permis de repenser plus globalement ses aspirations écologistes, l’idée même d’action, de groupe constitué à l’écart du reste du monde. Pour l’autre, il s’agit encore d’un espoir communautaire d’avenir, celui de vivre un jour en une communauté de femmes qui organiserait l’éducation des enfants de ses membres en autarcie. Son rapport à la nature évolue, depuis son enfance à la campagne avec un père végétarien, jusqu’à sa vie aujourd’hui inscrite dans d’une capitale. Elle s’occupe d’abeilles, analyse leurs sociétés de ruches qui, en réalité, constituent également des communautés vivrières d’êtres de sexe féminin, elle mange à nouveau de la viande, elle est un peu désespérée par les discours des néo‑écologistes avec l’impression d’être en comparaison née dans un milieu qui a déjà avancé sur un grand nombre des questions qui semblent prendre de l’importance aujourd’hui. Le dispositif de Public Address (littéralement « interpellation publique ») pose la question de la prise de parole publique et, en particulier, celle de femmes, et celle de l’écoute et de l’attention qui lui sont apportées. À cet égard, il n’est assurément pas anodin que ces installations posent la question plastique de la surface imprimée que le son traverse (grille de haut‑parleur, feuille de papier,…). Pour Etienne, l’enjeu était aussi comme pour les spectateurs‑auditeurs, celui de se taire « autant qu’il pouvait ». 

English

Alexis Etienne has recently graduated from the Master in Publishing Practices at ArBA-EsA, Brussels, His work has long been focused on a practice of writing and thinking in relation to non-events or, more precisely, the fictionalized dramatization of narrative threads taken from everyday life, filtered by the artist’s monotonous voice.

After having worked on the codes of original cinema, special effects cinema, auteur film and even stand-up, Etienne, or his character as a narrator, here become part of the sound installation Public Address # 5, which rather replays the codes of the documentary.  In a real economy of means, the installation revolves around a series of prints on grey or recycled grey paper in A4 format in which the artist has created a circular cut-out which reveals the membrane of speakers embedded in the picture rail. These speakers broadcast excerpts from an exchange between two friends of the artist, respectively S and L, about their respective life plans. For one, it is about telling the abandoned plan of living in a mixed community in a house according to rules inspired by ecology and feminism. A community inspired by the political readings strongly influenced by the left or by the libertarian or anarchist movements. Even aside from its failure to actually be realized, this plan allowed her to more generally rethink her ecological aspirations, the very idea of action, of a group formed apart from the rest of the world. For the other, there is still hope for a community future, of living one day in a community of women who would organize the education of the children of its members in autarky. Her relationship with nature is evolving, from her childhood in the countryside with a vegetarian father, to her life today in a capital city. She takes care of bees, analyses their beehive societies which, in reality, also constitute food-producing communities of female beings, she eats meat again, she is a little exasperated by the discourses of neo-ecologists with the impression of being comparatively born in a milieu that has already made progress on many of the issues that seem to be gaining importance today. The display of Public Address (literally « public interpellation ») raises the question of public speaking, and in particular that of women, and the question of listening and the attention given to it. In this respect, it is certainly not insignificant that this installation poses the plastic question of the printed surface through which the sound passes (loudspeaker grille, sheet of paper). For Etienne, as for the spectators-listeners, the challenge was also to remain silent « as much as one could ».