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Marc Buchy

France, 1988
vit et travaille à Bruxelles

Jouant d’une stratégie d’infiltration furtive, opérant à la façon d’un grain de sable venant gripper la machine et relevant de l’infra‑visible, du fugace et de l’anti‑spectaculaire, l’œuvre de Marc Buchy, jeune artiste français établi à Bruxelles, questionne des idées de transmission et de circulation (de savoirs, de valeurs, de ce qui fait œuvre), leur pertinence ou, a contrario, leur inanité. Ses œuvres ne se déploient souvent qu’à l’aune du corps ou de l’esprit qui active le projet, id est celui de Marc, dans une appréhension résolument performative.

Ces deux directions sont centrales chez Buchy et nous les rencontrons dans Ka Kualmuku, un projet qui est le résultat d’une résidence qu’il a effectuée en 2018‑2019 à Cali en Colombie, à Lugar A Dudas, et que nous nous vous présentons ici dans le cadre de Bye Bye His‑Story au CGII. Ka Kualmuku, s’est développé autour du projet d’apprendre une langue en voie d’extinction, en l’occurrence le Namtrik, parlée par la communauté Misak (20 000 personnes) et d’en manifester de façon publique son processus d’apprentissage comme de transmission. Ce projet souligne certes dans une perspective ambiguë à la fois la gratuité de l’acquisition de ce savoir dans le chef de Buchy, mais fait aussi et surtout acte de résistance effective et symbolique face à l’implacable logique d’hégémonie des langues dominantes. Celles‑ci se sont affirmées à la faveur du colonialisme historique et, plus encore, lors du post‑colonialisme globalisé que nous connaissons actuellement. Nous avons porté notre choix sur deux pièces extrêmement symboliques de ce projet, à la fois discrètes et interpellantes. Un caractère d’imprimerie en plomb qui reproduit un symbole spécifique au Namtrik, proche dans sa graphie du théta grec en moins allongé et plus circulaire, et dont la matrice a été laissée à l’imprimeur colombien qui l’a réalisé. Ce caractère fondu en plomb édité en série limitée est intégré de façon discrète et comme infiltrée dans les murs mêmes du CGII. Il est accompagné de 5 papiers fantômes, portant, à l’instar de papiers carbones, les empreintes à peine lisibles des exercices d’apprentissage du Namtrik par l’artiste. Autant de métaphores fragiles, mais néanmoins effectives et résilientes, de l’oubli ou de l’invisibilité qui guette nos actes de résistance individuelle à la marche de l’his‑story

English

Marc Buchy, a young French artist based in Brussels, applies a strategy of furtive infiltration, operating like a grain of sand that jams the machine and highlights the infra-visible, the fleeting and the anti-spectacular. His work questions ideas of transmission and circulation (of knowledge, of values, of what calls into being), their relevance or, conversely, their inanity. His works often only unfold in terms of the body or the mind that activates the project, i.e., that of Marc, in a resolutely performative understanding.

These two directions are central with Buchy and we encounter them in Ka Kualmuku, a project that is the result of a residency he did in 2018-2019 in Cali, Colombia, at Lugar A Dudas, and that we present to you here as part of Bye Bye His-Story at CGII. Ka Kualmuku, developed around the project to learn an endangered language, in this case Namtrik, spoken by the Misak community (20,000 people) and to publicly demonstrate its learning and transmission process. This project certainly underlines from an ambiguous perspective both the gratuity of the acquisition of this knowledge on the part of Buchy, but also and above all acts of effective and symbolic resistance in the face of the implacable logic of hegemony of the dominant languages. These languages have asserted themselves in historical colonialism and, even more so, in the globalized post-colonialism that we are currently experiencing. We have chosen two extremely symbolic pieces from this project, that are both discreet and challenging. A lead printing typeface that reproduces a symbol specific to Namtrik, close in its graphy to the Greek theta less elongated and more circular, and whose matrix was left to the Colombian printer who made it. It is accompanied by 5 ghost papers, bearing, like carbon papers, the barely legible imprints of the artist’s Namtrik learning exercises. So many fragile metaphors, but nevertheless effective and resilient, of the oblivion or invisibility that lie in wait for our acts of individual resistance to the march of his-story.